Mon plan secret derrière ce thème (comme derrière tous les thèmes depuis 2022, mais chut🤫) : c’est de nous donner de la force et de nous sentir relié.e.s. Dans cette newsletter consacrée aux révoltées, grévistes et maquisardes, tu verras que les moyens d’actions sont très divers, qu’entretenir la joie est central et qu’il y a pleins de meufs si badass qui n’attendent que toi pour sortir des oubliettes de l’Histoire (et tant qui l’écrivent en ce moment même).
La révolte comme il faut
Est-ce que toi aussi, quand tu apprends un mot nouveau, tu le vois soudainement fleurir partout ? Est-ce que toi aussi quand tu apprends le nom d’une nouvelle figure historique ou politique, elle pope comme la plus tenace des notifications ? Pour moi ça a été le cas avec Emma Goldman, Flora Tristan et Alexandra Kollontaï.
Ce qui était passionnant, en les (re)découvrant, c’était de voir combien elles étaient éloignées de la morgue qu’on attend d’une personne politique et ce que leur moyens d’actions avaient de surprenants. Leur vie n’était pas scindées entre public et privé, révolte sur scène, conformisme en coulisses. Leur conception de la lutte et du combat embrassaient toute leur façon d’être.
Si elles ont du trouver des chemins de traverse pour décrire et organiser le monde ouvrier (avant Marx) ou réveiller les esprits, ou encore “défaire la famille et refaire l’amour” c’est souvent parce que leur famille politique finissait par les rejeter, préférant garder la lumière ou ne supportant pas les critiques…A Montreuil par exemple, on a partagé des extraits de l’autobiographie de “la femme la plus dangereuse d’Amérique” (aka Emma Goldman) à qui un camarade avait déclaré lors d’un bal “Il ne sied pas à une agitatrice de danser”. C’est sans doute qu’il y a déjà un pouvoir de subversion et de politique dans la danse d’une part, c’est rappeler d’autre part que les rapports de genres, de races, de classes ne s’arrêtent pas à la porte des réunions de gauche…
Qui peut faire grève ?
A ce propos, des militantes parmi vous réfléchissent à faire grèves du travail militant, consciente de la répartition sexiste des tâches. Mais ma bonne dame, le travail militant est-ce vraiment du vrai travail ? Et le travail domestique est-il du vrai travail ? Les féministes des années 70’ ont donné une réponse à cette question en introduisant la notion de “travail reproductif”. En octobre 2024 @la_syndicale lançait sur instagram “l’écriture d’un code du travail domestique”.Il me semble que ne pas reconnaitre comme travail valable un domaine ou un autre, permet surtout d’invalider et de tuer dans l’oeuf la possibilité de faire grève ou de se révolter.
On peut noter que les travailleur.euses des ESAT (établissement ou service d’aide par le travail) sont autorisé.e.s à faire grève ou à adhérer à un syndicat professionnel depuis…janvier 2024. Les travailleur.euses du sexe belges disposent de ce droit depuis décembre 2024. Pour les français.es qui exercent “le plus vieux travail du monde” c’est toujours la précarité. On s’est d’abord demandé ce que provoquerait une grève des putes et du côté des bénévoles du cul, Ovidie avec La Chair est triste hélas, nous a ouvert des perspectives. Elle prend le maquis depuis quatre ans et déserte l’hétérosexualité et de l’injonction aux rapports sexuels, à l’égal du mouvement 4b en Corée. Le secret de beauté des Coréennes c’est donc une skin care impeccable et ne plus fréquenter d’hommes 😁 Le glow de la misandrie.
Peut-être que finalement c’est la grève, plus que le salaire, qui peut révéler la valeur d’un travail : bloquer collectivement, cesser de façon organisée c’est un outil de lutte incontournable. Dans un mois aura lieu la grève féministe du 8 mars, si tu n’as jamais manifesté c’est une super date pour débuter car l’atmosphère est incroyable (prévoit un kway)
Plus qu’une simple émotion individuelle
Nous avons exploré la révolte dans sa dimension individuelle et spontanée, tout proche de l’émotion comme dans sa dimension collective, plus proche de la stratégie.
L’un des préjugés sexistes les plus répandus en Occident c’est de considérer que les femmes (et les personnes efféminées) sont plus soumises à leurs émotions. Dans vos partages de pièces de théâtre en particulier, l’honneur était présenté comme un territoire masculin, où les personnages féminins d’Antigone ou de Chimène s’entendaient dire qu’elles n’y comprenaient rien. Le corps féminin est souvent territoire de l’honneur masculin et le défendre est 100% masculin.
On présume aussi des femmes qu’elles sont de nature passives voire pacifistes alors que la résistance armée a compté de nombreuses femmes (pas seulement parmi les infirmières ou les cantinières), mais qui connait le nom de Laure Diebold-Mutschler “mort pour la France”, Lalla Fatma N’Soumer (merci au compte @berberewomen) ou Tassi Hangbè, reine des Amazones du Danhomey ? Dans La Terreur féministe, petit éloge du féminisme extrémiste, Irene dément le proverbe “le sexisme tue tous les jours, le féminisme n’a jamais tué personne”. Enfin les armées coloniales actuelles comptent des femmes dans leur rang, et leur utérus ne les retient pas de tuer les gosses de patrie ennemies.
“Je te crois est un verbe d’action.”
Cécile Cée - autrice de Ce que Cécile sait, journal de sortie d’inceste
Ce matin j’écris après avoir écouté D. Trump expliquer devant un feu de cheminé, assis à côté de B. Nethanyaou que malheureusement Gaza est devenu un champ de ruines et qu’il vaut mieux expatrier les palestiniens, dans de belles maisons loin d’ici, sinon ça va recommencer encore et encore. Ce que je veux dire par là c’est que la dissonance cognitive de notre époque est extrême, conserver le sens à la trace est rendu difficile et rester connecté.e à son émotion, son empathie, sa révolte est la clé. Par exemple, quand spontanément Eric Cantona smash Matthew Simmon, un hooligans se sentant en confiance pour lancer un salut nazi le 25 janvier en 1995 au milieu d’un stade… on peut dire qu’Eric Cantona se laisse aller à son émotion. Il exprime une révolte est à la fois spontanée et très ancienne car sa famille a affronté les violences franquistes.
Pour ma part, j’ai l’impression que des années de patriarcat avaient émoussé ma capacité à la révolte. J’ai été débranchée, expériences après expériences, de ma capacité à légitimer mon ressenti face à une situation, puis mon analyse et en conséquence, ma réaction. Trop souvent le doute ou la stupéfaction ont remplacé une bonne vieille réaction hystérique😎. On m’a parfois dit, avec envie : “je ne sais pas comment tu fais pour garder ton calme” et je pensais : “ce que je donnerais pas pour sentir comme toi les poils se dresser sur mes bras et rentrer dans le lard de ces lourdauds présumant de ma passivité”.
Il y a des “natures” certes, mais je constate que la fréquentation des féministes (de chair comme de papier) m’amènent progressivement à extérioriser ma révolte, me permettant ainsi de me connecter à celleux qui ressentent comme moi. Progressivement, l’illusion de l’impuissance recule.
Le sentiment d’isolement que l’on ressent actuellement est fabriqué de toutes pièces : nous sommes très nombreux.ses. Les réseaux sociaux aussi informatifs soient-ils ne permettent pas de nourrir profondément notre besoin primaire de liens. Alors, écoute ta petite voix et connecte-toi aux autres dans la vraie vie. Prends exemple sur Emma Goldman qui crée des mini dancefloor au milieu de la lutte ou rappelle toi ce conseil de Baldwin « Celui qui ne trouve pas le moyen de se reposer ne peut longtemps survivre au combat ».
Merci d’avoir lu jusqu’ici 😘 Hésite pas à partager cette newsletter
La Biblio pour lire hors des sentiers battus
Les abonnées de ✨La Biblio✨ ont reçu hier la liste de toutes les réf’ partagées ce mois-ci sur le thème.
Tu peux encore t’abonner pour un mois ou pour un an pour la lire et picorer tes meilleures lectures grâce au partage de la communauté et soutenir ainsi mon travail (j’ai pas de cagnotte, j’ai La Biblio en gros)
à partir de 2€ par mois ou 20€ par an - sans engagement - 1er mois offert
Agenda de février
sur le thème “Aïeules (mythiques ou généalogiques)
Dimanche 09/02 chez Librairie Majo (Paris 5e) à 14h
Jeudi 13/02 chez Flora Lit (Paris 14e) à 19h
“Je n’ai pas d’idée de livres sur ce thème”
Tu es peut-être tentée et curieux.se du thème sans savoir quel livre apporter ? Alors sache tout d’abord qu’il n’y a pas de hors-sujet et que tu pourras toujours venir sans livre.
Quand on pense à nos “aïeules”, on évoque le plus souvent la famille “de sang”, l’arbre généalogique, c’est pourquoi j’ai précisé : “généalogiques et mythiques”, car parfois des figures historiques, des personnages de fiction ou des artistes ont autant compté que notre mamie dans la vie qu’on mène aujourd’hui. Quelque part le slogan “nous sommes les petites filles des sorcières que vous n’avez pas brulé” ça parle pas mal d’aïeules aussi, non?
Ensuite on peut se demander quelle traces et quelles archives on laisse derrière soi selon qu’on soit un homme ou une femme ou une personne non-binaire, le fruit d’un exil plus ou moins ancien, une bourgeoise ou une personne pauvre, ou comment est considéré cet héritage. On pourra critiquer notre rapport à l’héritage (féministe par exemple) ou notre capacité à créer des “icônes” ou des “idoles”. Quels mécanismes d’effacement sont / ont été à l’oeuvre pour qu’on ait l’impression en 2025 que l’histoire n’est le fait que de boug’ blancs nous racontant que “quand même on a construit des hôpitaux en Algérie” ?
Et bien sûr on va se donner de la force en mettant en commun pendant 2 heures ces fragments d’héritage parfois méconnus ou éparpillés pour en faire du carburant parce que l’année s’annonce salée
Bonnes lectures,
à bientôt !
Marine