Chaque mois retrouve des pistes de réflexion sur une thématique féministes arpentée collectivement lors des Cercles. Et une bibliographie commentée et réjouissante pour lire sur le sujet !
En octobre, on a exploré mille nuances du genre par des essais, des voyages dans le temps, l’imaginaire ou des témoignage. On a identifié et limé aux barreaux de la cage binaire, pris la fuite avec Preciado, croisé des mérous fluides et des paons flamboyants dans ce bookclub qui nous réunis depuis janvier 2022. Ta plus belle réunion tupperware 😏
La binarité de genre est une construction culturelle
La répartition des humain·e·s entre deux genres uniques, fille ou garçon, d’une façon hermétique et nette relève plus d’une croyance que d’une réalité. Une croyance qui assure des fondations solides à la fois au patriarcat et à l’hétérosexualité comme régime politique.
Pourtant, les variations historiques ou le foisonnement des existences animales (“la naturenh”) contredisent allégrement cette croyance dans le binaire. On peut trouver dans le livre de Lexie : Une histoire de genre : guide pour comprendre et défendre les transidentités, une ressource précieuse. Elle y expose les variations historiques et sociétales du genre, en plus de décrire avec nuances les réalités que prennent les parcours de transition (trop souvent réduits aux opérations chirurgicales). On apprend par exemple que de nombreuses sociétés pré-coloniales reconnaissaient trois, cinq genres différents ou plus, et que ce sont les puissances européennes qui ont introduit de force une conception binaire du genre (en même temps que la répression de l’homosexualité).
La poétesse Léa Rivière résume très bien l’absurdité de nos choix politiques et sociétaux dans son poème « Je ne suis pas trans dans la forêt » (tiré du recueil L’Odeur des pierres mouillées). Le mérou s’invite dans notre discussion comme exemple naturel de la fluidité de genre : ellui qui nait femelle, pond vers 3-4 ans et devient mâle pour le reste de sa vie. Enfin, et sans transition avec le poisson, les personnes intersexes (aussi nombreuses que les roux·sses) par leur existence même, effondrent la croyance en deux genres/sexes.
Ne plus pouvoir dé-voir
La binarité de genre est un régime politique tellement répandue et structurant qu’il est difficile d’en voir les contours. Ils apparaissent seulement au moment du rappel à l’ordre quand on transgresse les codes tacites, ce qui arrive assez vite tant la cage est étroite. Je salue ici les femellettes et les garçons manquées qui à 5, 7 ou 9 ans en dérogeant à la convention sociale parvenaient à faire vaciller les fondations de ce régime en portant des paillettes, une jupe, ou justement en n’en portant pas. Alors, c’est qui lefragile dans ces conditions ?
Quand je vous posais la question “quand as-tu compris que le sexe biologique et le genre étaient des notions distinctes ?” La réponse du coming-in est revenue plusieurs fois. C’est ce que démontre Monique Wittig dans La Pensée straight : l’hétérosexualité est davantage qu’une attirance instinctive pour “un autre sexe”, elle a été érigé en système politique et dessine les contours de ce qui compose de rôle d’homme et le rôle de femme. Dans une société hétéro-patriarcale, les lesbiennes en ne désirant pas les hommes, en ne se mettant pas à leur service tel qu’on l’enseigne aux femmes, dérogent si profondément à leur mission/rôle qu’en résumé, elles ne sont pas des femmes. Le genre “femme” se définit davantage par ces obligations (et diverses menaces de violence 🙄) que par des organes génitaux.
Un des ouvrage fondamentaux sur notre sujet est celui de la philosophe Judith Butler a écrit Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion de l’identité en 1978. Souvent cité, mais d’un abord assez difficile. Pour entrer dans son œuvre, une participante des Cercles vous conseille de passer par la lecture de celleux qui analysent le travail de Butler avec cet article par exemple : « Judith Butler : Une politique du sensible». Et Antonin, mon collègue du rayon sciences humaines à Folie d’Encre vous conseille “Qui a peur du genre" ?” ou “Défaire le genre” toujours Judith Butler, mais plus accessibles.
C’est qui les monstres ?
Sans être soi-même visé directement par du harcèlement scolaire ou des menaces transphobes, ils nous impactent indirectement comme des mise en garde : “regarde ce qui t’arrivera si tu t’avises de quitter la voie tracée”. Avec cette épée de Damoclès au dessus de nos têtes, comment savoir si individuellement le genre dans lequel on vit, ou son expression, est profondément la nôtre ? Si elle n’est pas une stratégie de camouflage, une stratégie d’adaptation enfouie par la menace des représailles ? Et collectivement, de quoi nos sociétés se privent (depuis des siècles) en sacrifiant les myriades d’expressions chatoyantes de nos genres ? C’est ce qui incite le journaliste Tal Madesta à retourner le stigmate de monstruosité vers les transphobes. Son court essai La Fin des monstres s’adressent tant aux parents d’enfants trans qu’avec tendresse à sa communauté. À ce propos : un entretien mené par Léane Alestra pour le média féministe Manifesto XXI. Rappelons que les menaces transphobes sont un champ de bataille féministe central, particulièrement à une époque où les attaques transphobes sont régulières, ont pignon sur rue, sont structurées et menées parfois au nom du féminisme 😤
Vous voilà tout déprimé·e, fort heureusement, les utopies romanesques de Becky Chambers ✨existent✨ et le monde post-on-a-frolé-l’effondrement-mais-en-fait-non d’Un Psaume pour les recyclés sauvages vous attend. Un court roman d’une douceur enveloppante où le personnage central, un moine du Dieu des Petits conforts au caractère parfois “soupe au lait”, est non-binaire, sans que ce soit LE sujet du livre. De nouvelles expériences de lectures non-genrées attendent les abonné·e·s de ✨ La Biblio✨, rdv demain soir. Abonne-toi pour découvrir chaque mois la liste exhaustive des nos partages livresques. Une façon bien plus saine et humaine d’étendre tes horizons de lectures féministes que les suggestions algorithmiques.
Quand on parle de “genre” on a tendance à penser tout de suite aux personnes trans, aux personnes non-binaires, ou aux personnes intersexes (autrefois appelées “hermaphrodites”). Pourtant comme le résume si bien RuPaul“We all born naked and the rest is drag” (“On nait tous nus et le reste c’est du drag”). Le genre nous concerne toustes, nous possédons toustes une relation singulière à notre identité de genre. Nous possédons toustes le droit à le vivre et à l’exprimer et à l’explorer comme on le souhaite, en sécurité et dans toutes ses facettes fluides et chatoyantes. C’est une lutte féministe.
Alors si nos lectures du mois ont donné la part belle aux récits et essais par ou autours des personnes lgbtqia+ (tant mieux), on peut faire un détour par quelques figures romanesques ou réelles qui ont défait leur genre d’autres façons. C’est le cas des guerrières que le combat et l’uniforme transforment : elles quittent la catégorie de “LA femme” ou de “vraie femme” . Grâce à Juliet Copeland, l’archiviste féministe invitée du Cercle en ligne, nous avons appris que les représentations de guerrières dans la peinture foisonnaient, mais que notre œil n’était pas entrainé à les reconnaitre. On s’est demandé aussi où était passé l’autre moitié de la célèbre correspondance des poilus, lecture obligatoire des collègien·nes (et où était passé ma réflexion pour n’avoir pas noté ce manque plus tôt ?).
iciJeanne d’Arc à la fois reine du drag, icône queer ET de l’extrême droite
En novembre on abordera un thème qui est d’une certaine manière un prolongement de celui d’octobre : la fin des règles. Car oui, “les règles” de notre nouveau thème est à prendre dans tous les sens du terme, des menstruations à l’anarchie. Rejoins (avec ou sans livre) une conversation collective et féministe qui a démarré en janvier 2022 💕
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Bonnes lectures, à bientôt ! Marine
Marine B.
Je m'appelle Marine et j'anime des Cercles de Lectures féministes. Ce sont des rencontres thématiques à mi-chemin entre le bookclub et le cercle de parole (parfaites pour celleux qui n'ont pas le temps de lire).
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