Chaque mois retrouve des pistes de réflexion sur une thématique féministes arpentée collectivement lors des Cercles. Et une bibliographie commentée et réjouissante pour lire sur le sujet !
“La fin des règles” peut s'interpréter de deux façons différentes (mais pas opposées). Il y a les règles au sens de menstruations, et celui de normes et d'injonctions. Et il y a au milieu des deux, la capacité à un groupe de lecture féministe à parler ménopause (entre autre) et ce faisant, à faire flancher le tabou. Bonnes lectures !
Des conversations intergénérationnelles
Pendant 8 heures, on a rassemblé au gré de nos lectures, ce qu’on savait de la ménopause ou des hormones de la pilule contraceptive par exemple, on a mêlé dans nos conversations poétes·ses, personnages et anecdotes personnelles. La beauté de ces conversations c’était par exemple de permettre à des personnes de la vingtaine d’échanger avec d’autres aux abords de la périménopause, qui iels-mêmes pouvaient se renseigner auprès d’une quinquagénaire qui avait bientôt achever le processus. Le tabou des règles commence à sérieusement s’effriter sous nos latitudes, mais celui de la ménopause qui combine l’âge et le sang féminin a la peau dure.
La ménopause, c’est la nature, et “la nature” ça sert très souvent a clouer le bec aux femmes et aux minorités de genre qui questionnent ou se plaignent. Pourtant, notre plongée livresques nous a montré qu’il existait des variations culturelles (non seulement dans la considération pour les ménopausé·e·s mais pour le phénomène lui-même) mais nous a aussi appris la date de naissance de la ménopause par exemple (1816 par Charles-Paul-Louis de Gardanne, médecin français). Aïe ! la naturennh serait en fait une partie de l’équation seulement ? La nature n’explique pas la déconsidération, elle n’excuse pas les expérimentations avec des médicaments dangereux mais lucratifs, elle n’est pas à l’origine des pesticides ou de l’exposition au stress qui complique cette période de la vie.
Quand au Japon il existe 72 saisons dans une année et que les “symptômes” de la ménopause sont anecdotiques (car les changements hormonaux sont plus lents et progressifs), (cf Étude SWAN, publiée en mai 2022 aux USA, cité p.37 de Ceci est mon temps). Dans de nombreuses société, le passage à un âge non-fertile pour les femmes se solde par davantage de respectabilité ou de responsabilité. Sous nos lattitudes gangrenées par le capitalisme la vieillesse est vue comme une péremption, une inutilité. Et l’absence de représentation des femmes à partir des 35 ans, dans l’espace public ou dans les représentations artistiques a soulevé des questionnements intéressants. Cette absence invisibilise, elle est clairement une marque de déconsidération, un male gaze de gros nullosse oserais-je dire. Elle nous prive de projection dans un futur désirable. Les gouvernements libéraux sont prêts à vanter la vieillesse uniquement lorsqu’il s’agit de nous faire travailler plus longtemps. Même quand les femmes ne peuvent plus produire ni soldats, ni ouvriers, quand elle ne peuvent plus réarmer démographiquement le pays, il reste encore leur force de travail à extraire de leur corps. La notion de vieillesse est pervertie par celle de rentabilité. Comment seulement prendre des années sainement dans ces conditions ? Et comment exploiter peinard un corps qui fume, un corps qui filtre moins la colère, un corps expérimenté et aguerri, un corps souvent astreint à une charge domestique moins forte maintenant que les éventuels enfants sont grands ? Aïe ! Moins faciles à dominer ces ménopausé·e·s. C’est sans doute la raison pour laquelle elles étaient si nombreux·ses sur les bûchers des sorcières.
D’une part cette absence de représentation et d’autre part… une absence de représentation mais teintée de “enfin ils nous lâche la grappe”. Une sorte de poudre d’escampette bienvenue après des décennies de performance de la féminité.
Médicalisation des corps sains et désintérêt pour maladies féminines
Plus haut j’ai employé le mot “symptôme” comme raccourci, mais une des lignes de fond de l’essai (drôle et documenté) d’Élise Thiébaut Ceci est mon temps, c’est bien de dire qu’il n’y a pas de maladie à soigner et donc pas de symptômes. Pour elle, qui a souffert d’endométriose diagnostiquée très tardivement, c’est plutôt la fin d’un calvaire. Elle développe la notion de climatère qui englobe le processus de la pré- à la péri- jusqu’à la post-ménopause. Et rappelle au passage que la ménopause c’est long et que parfois ça se passe sans dommage. Un son de cloche qui dénote avec les intimidants “vous verrez les règles ça fait mal” suivi de “la ménopause c’est l’horreur”. Un son de cloche qui nous fait considérer avec plus de recul la médicalisation de nos corps sains.
À ce propos, la lecture de Non-binaires de Martin Page a permis d’ouvrir la conversation sur les corps des minorités de genre depuis toujours pathologisés, depuis toujours concernés par cette médicalisation. Les homosexualités ou les transidentités ont longtemps fait partie du DSM-5 (ouvrage de référence en psychiatrie) en tant que maladies mentales, les personnes trans ont été contraints à la stérilisation pour accéder à un changement d’état civil, jusqu’en….2016.
Microdosing de colère
Les hormones et leur fluctuation ont donc occupés en filigrane tous nos échanges. Qu’il s’agisse du chapitre “Pilule” de Gender tech qui rappelle les influences marketing (“on va pas écrire testostérone sur un médicament pour jeune fille !”) les test réalisés à Porto Rico sans consentement éclairé ou le racisme eugéniste de ses crétrices. Ou encore, via le documentaire sur le micro-dosing en testostérone pour soulager l’endométriose comme dans le documentaire partagé par Eva-Luna lors du Cercle en visio.
La colère poétique, témoignée, rugissante, fictionnelle ou partagée a parcouru ce thème en micro-dosing également. De voir la transmission des normes oppressive de mères en filles, de la non-considération pour l’amour le vrai, l’égalitaire dans des sociétés patriarcales avec Emma Goldman dans Lettres à l’amant, l’injonction à la vie maritale, à la glorification des héros et à la défense absurde “du masculin l’emporte sur le féminin” dans notre syntaxe mais du si peu de cas qui est fait, au hasard, à la simple dignité des personnes lgbtqia+, l’héritage de Les Jours heureux du Conseil national de la Résistance, les malades de l’endométriose, la charge contraceptive, etc (je vous laisse choisir, c’est en libre service depuis des siècles).
PS : nos conversations ont permis de découvrir l’existence de l’andropause (la ménopause masculine), moins célèbre et pourtant bien réelle. Mais rappelez-vous ce que Despentes disait dans King Kong théorie : les hommes n’ont pas de corps, n’est-ce pas ?
…fait de conversations passionnantes, menées au milieu de piles de livres, à siroter des golden latte dans des fauteuils super moelleux 🥲 En attendant, voici 6 idées de cadeaux pour réjouir le cœur des amoureux·ses de la lecture. Tous fabriqués localement (Ile-de-France et le Perche).
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Un grand merci pour cette nouvelle année de lectures collective et de conversations féministes. On se retrouve bientôt pour voter pour les prochains thèmes, et rendez-vous mi-janvier pour de nouveaux Cercles. Bonnes lectures, Marine
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Marine B.
Je m'appelle Marine et j'anime des Cercles de Lectures féministes. Ce sont des rencontres thématiques à mi-chemin entre le bookclub et le cercle de parole (parfaites pour celleux qui n'ont pas le temps de lire).
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