Chaque mois retrouve des pistes de réflexion sur une thématique féministes arpentée collectivement lors des Cercles. Et une bibliographie commentée et réjouissante pour lire sur le sujet !
Les féministes ne croient plus aux princes charmants, ni à la marche passive vers le progrès, pas plus qu'au "c'était mieux avant", elles ne croient plus à la femme pacifique par nature, ou à la saleté des règles. Elles savent que personne n'est invisible, mais plutôt qu'on invisibilise à grands renforts de mensonges et d'un travail acharné
Je ne vous cache pas que c’est très bizarre de vous écrire là, le 27 juin 2024. Rappelle-toi que les Cercles sont une bulle de doux, où on te genre comme tu as besoin et qui matérialisent le lien qui nous unit par des vraies rencontres. Et on va les faire fleurir longtemps, quitte à ce qu’ils se cachent un jour sous l’apparence de réunion tupperware 🤫. Je vais vous écrire une newsletter sans doute, plus courte que les autres car la priorité est à la bagarre sur le terrain.
Quand j’ai regardé ma bibilothèque avec ce thème en tête, je ne pouvais plus me détacher du processus d’invisibilisation. Ce travail acharné, mené avec méthode, efforts et génération après génération pour distordre notre mémoire et ainsi, transformer notre vision du présent. Dans mon parcours féministe il y a eu le concept de la charge mentale, puisl’idée nouvelle que nos autrices existaient bel et bien par le passé, en nombre, mais qu’elles avaient été effacées des bibliothèques et des anthologies littéraires. On a partagé le travail de synthèse gigantesque mené par Titiou Lecoq dans Les Grandes oubliées, pourquoi l'Histoire a effacé les femmes ? (de la préhistoire à des périodes plus récente). Et je pense aussi aux anthologies Autrices, les anthologies littéraires des éditions Hors d’atteinte.
Les librairies qui accueillent les Cercles sont concernées et mobilisées contre l’extrême-droite.
Le monde du livre n’est pas un terrain “neutre” (même si “la culture” reste étonnamment silencieuse). Qui garantira encore le prix unique du livre sous le FN (comme l’extrême droite est un degré ultime du capitaliste) ? Qui garantira la libre expression des commerces si particuliers que sont les librairies ? (une librairie marseillaises attaquée pour une vitrine anti-FN, à lire ici). Qui garantira la liberté d’éditer ? Ou que le groupe Hachette (racheté par Bolloré en 2023) ne gobera pas tout l’espace éditorial restant, lui qui possède déjà 46 maisons d’édition (Grasset, Fayard, Chêne, Le Livre de poche) ?
Invisibles c’est aussi nos fantômes (un mot synonyme de mémoire). C’est Annie Ernaux qui s’est invité dans nos lectures, tenant par la main L’Autre Fille. Cette petite sœur naît avant elle dont l’existence resterz longtemps cachée, transformée en secret de famille puis en double indépassable. Une dimension assez troublante de l’invisible par la généalogie. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à écouter le podcast Méta de Choc. Il questionne la fascination que les constellations familiales ou la psychogénéalogie peuvent générer (et leur possible dérives).
Les secrets de familles prennent le nom de tabou quand ils adoptent une dimension sociétale. Ainsi on s’est penché sur la question des maisons closes ou des hôpitaux psychiatriques ou nos cimetières à l’extérieur des villes. Puis s’est présentée également le travail invisible de la propreté (à l’échelle domestique ou collective) avec la propreté censée être l’état naturel d’une maison (🙄 par quelle sorcellerie ?), les escaliers dérobés pour que les nobles ne croisent jamais le personnel de maison, ou les horaires décalés pour que les femmes de ménage ne croisent jamais les employé·e·s de bureau. À ce propos ne ratez pas l’ouvrage de Racha Belmehdi À votre service · Les travailleurs essentiels qu’on ne voit pas. Dans le cas du travail domestique, l’employeur est lui-même rendu invisible par le jeu de la sous-traitance, impossible à joindre, sans cesse renouvelé et jamais comptable de ses actes.
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Une dimension passionnante de l’invisibilité c’est son privilège, voire même, le pouvoir qu’elle revêt. Quiconque doté d’un corps perçu comme féminin a fait l’expérience de sa non-invisibilité. Maintenant que l’été et là, les vitres de voitures se baissent pour nous rappeler “je te vois”. Nous vivons dans un corps scruté et nous n’avons pas le luxe de l’invisibilité. Dans Briser la chaîne, Camille Lextray convoque le concept de corps-prison dont la surveillance est à la fois intériorisée et même plus consciente. C’est une expression très française du patriarcat. Hanane Karimi dans Les Femmes musulmanes sont-elles des femmes ? pointe du doigt la contradiction que vivent les femmes portant un foulard : elles sont l’objet d’une obsession médiatique qui se répercute dans la vie et à la fois, totalement invisible des lieux où l’on décide pour elles / où on parlent d’elles.
Quel pouvoir peut bien revêtir l’invisibilité alors ? Au fil de nos conversations, on s’est rendu compte que dans les interstices médiatiques, aux heures de faible écoute, une vérité inaudible le reste du temps, trouvait l’espace de croître. C’est ce que décrit l’autrice Xiran dans Chinoises (interrogeant de la paysanne, à la cadre du parti) ou ce qui se produisait dans L’Heure des femmes, émission tenu par Ménie Grégoire pendant plusieurs décennies à 15h (quand les enfants sont encore à l’école et que toutes lestâches ménagères sont accomplie). La valeur politique d’un témoignage, ou d’une écoute bienveillante est tellement sous-estimée qu’on la croit apolitique, dénuée de force. Tant mieux ! Qu’ils se méprennent et laissent les bonnes femmes à leurs affaires.. à l’ombre de leur déni croissent nos liens, déterminés comme des liserons.
Agenda
LES VISIO Mardi 9 juillet · 20h
EN PRÉSENTIEL autour du thème “Corps médical” Dimanche 7 juillet · La Régulière à 14h
Le mépris est un instrument d’invisibilisation (conscient ou pas). Ainsi Benoite Groult, précurseuse et militante féministe convaincue peut totalement passer à côté de la bombe politique qu’elle tient entre les mains La Parole aux négresses d’Awa Thiam à la fin des années 1970. Essai qu’elle doit préfacer. Son mépris n’est sans doute pas conscient. Tout comme l’attitude “color-blind” = celleux qui ne voient pas la couleur de leur amie noire. Ça a été mon cas et ça m’a demandé du temps avant de comprendre l’aspect néfaste de cette posture “neutre” ou “universaliste”. Cette question est arrivée dans un cercle où nous étions entre personnes blanches et il étaient intéressant de partager nos moments de prise de conscience (dans les livres ou dans la vie). Comme on l’a rappelé à la lecture de (attention, titre pour briller en société) Esthétique du care pour l’anthropocène (mazeeette 😮💨), la perception, l’attention, le souci de… précèdent toujours le soin. Si tu ne vois pas, comment pourras-tu te soucier ou prendre soin correctement ?
Enfin nos cœurs de lecteurices se sont rappelés la petite règle de grammaire, enseignée, répétée, propagée “le masculin l’emporte sur le féminin”. De nombreux ouvrages sont à retrouver dans la bibliographie (abonne-toi 😉) qui étudient l’impact sur nos cerveaux et nos imaginaires. Et rappellent que cette règle à une date de naissance (et aura bientôt une date de mort…) Plus largement, détruire cette petite règle de grammaire se répercute dans la création littéraire, et le female gaze défendu dans Tout une moitié du monde (Alice Zeniter). Bref, nos lectures sont politiques et les Cercles loin d’être des réunions tupperware mais 🤫.
On vote Front populaire dimanche ! Bonnes lectures ! Marine
Écoute-moi bien : tant qu’on se bat, on ne perd pas.
Lors des Européennes tu as vu comme moi le schéma de la France brune : c’est parce que c’est le pue qui ressort. Prenons-le travail à bras le corps en nous rappelant qu’à chaque génération échoie sa part. Je t’interdis (bah ouais 😎 tu vas faire quoi ???) de te figer dans la peur, ok ? Transforme là en action et en lien local, concret (et là on gagnera même si on perd un scrutin).
👉 Tu peux rejoindre Les Convois de la victoire. Ce sont des bus entiers de gens qui n’ont jamais milités, qui viennent prêter main forte à des circonscriptions-clé, des circonscriptions pivots (celles perdus à quelques voix près en 2022) 🔗 Le site INDIVISBLES.fr liste les candidats et les circos en dangers 👉Tu peux prendre contact avec ta candidate pour participer à l’effort 👉 Participer à du phoning, du boitage (tract dans boite à lettres) ou te former en 30min en visio à convaincre de l’importance du vote. Toutes les infos ici 👉 Occuper la rue 👉 Tu peux te porter volontaire pour porter une procuration ici 👉 Tu peux voter parce que tu as compris que dans la 5e République, ce n’est plus question de se sentir représenté·e dans son coeur. Mais que le vote est devenu un privilège plus qu’un droit, qu’on doit l’utiliser stratégiquement pour la collectivité et pas pour son égo.
Quand tu agis (et que tu te relies aux autres qui portent les mêmes valeurs que toi), tu te prouves deux choses 1) tu te prouves que tu es capables de passer à l’acte (pas seulement de comprendre avec ton cerveau). Ça veut dire que tu t’adaptes à l’intensité de la situation. 2) Quel que soit le résultat du scrutin, on ne te retirera pas la dynamique que tu entames aujourd’hui : appeler les proches, scruter ton environnement pour anticiper quels seront les besoins, contacter un syndicat ou une association de terrain.
N’oublie pas que cet enjeu électoral nous parle de racismes (au pluriel, incluant les lgbtphobie, le validisme, etc). Si on n’affronte pas la situation avec le racisme en tête on perdra. Si on ne place pas les revendications des personnes racisées au centre on perdra. Si on se place pas en soutien des personnes racisées et à disposition de leur expertise, on perdra. Même si on gagne dans les urnes on aura perdu l’enjeu de cet épisode politique.
On est ensemble 🫀
Marine B.
Je m'appelle Marine et j'anime des Cercles de Lectures féministes. Ce sont des rencontres thématiques à mi-chemin entre le bookclub et le cercle de parole (parfaites pour celleux qui n'ont pas le temps de lire).
La newsletter des Cercles t'apporte des pistes de réflexion féministes sur chaque thème ainsi qu'une bibliographie thématique, commentée, non-exhaustive et réjouissante pour approfondir le sujet.
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