Cercles de Lectures féministes

Chaque mois retrouve des pistes de réflexion sur une thématique féministes arpentée collectivement lors des Cercles. Et une bibliographie commentée et réjouissante pour lire sur le sujet !

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Par Marine B.
25 avr. · 4 mn à lire
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Quelle insolente !

Où on apprend que l'insolence n'est pas une insulte mais un rapport de force. Que l'Histoire et nos histoires (celle du mouvement féministe) ne seraient rien sans cette compétence reliée droit au cœur, à l'enfance et au panache de l'adolescence. (Une newsletter avec des vrais morceaux de pétition et d'actions militantes dedans 🍪). Bonne lecture !

Est-ce un hasard si nos lectures autour du thème “quelle insolente !” ont eu autant trait à l’enfance ?
Qu’il s’agisse de saga lues pendant nos jeunes années ou de personnage enfantins, l’insolence semble liée… au mineur. Déjà la littérature jeunesse est considérée comme un genre mineur. Ensuite, on sera enclin à penser qu’un personnage mineur ne peut parler qu’à un public du même âge, que ce qu’il a à dire est de moindre importance. Sa place existe, mais dans un espace bien défini et qu’il y reste !

Les petites filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent.

Et quels personnages ! Fifi Brindacier, Lyra des Royaumes du nord, Anne de Green Gables, Sophie de la Comtesse de Ségur, Jo March* de Louisa May Alcott (le savais-tu : c’est l’éditeur qui a forcé à marier Jo March contre la volonté de son autrice). Pas de littérature jeunesse sans ces personnages subversifs.

Si on considère les choses à l’échelle d’un récit, le tempérament d’une insolente joue à lui-seul le rôle d’élément déclencheur. Elle est un tourbillon capable de soulever un cheval à bout de bras (coucou Fifi Brindacier) ou de déclarer en toute bonne foi “Je te déteste !” à langue de vipère du village et d’en retourner les dynamiques relationnelles. Les insolentes se détournent des voies toutes tracées (la passivité l’amatonormativité, l’hétéronormativité, etc.) et emportent leurs lecteurices ntdans leur sillage.

PROGRAMME DE MAI
sur le thème “du fond de mon lit”

EN PRÉSENTIEL
Mercredi 15 mai · Bonjour madame 18h30

Jeudi 23 mai · le Kraft/Folies d’encre Montreuil 19h30

Dimanche 26 mai · La Régulière 14h

Jeudi 30 mai · La Vagabonde (à Tours) 19h

EN VISIO
Dimanche 12 mai · 19h

Mardi 21 mai · 20h

note : il y a une erreur dans ma précédente newsletter à propos des thèmes.
Voici les prochains thèmes : “du fond de mon lit” en mai et “Invisibles” en juin.

En juillet on votera pour un des “looser” de

À l’échelle de la société, pas d’Histoire non plus sans insolence : le conservatisme se duplique années après années. Mais c’est aux postures insolentes qu’on doit et qu’on devra le droit à l’avortement, le congé parentalité équivalent pour tous les parents, d’exploser la binarité du genre, l’autodétermination dès le plus jeune âge (pétition pour protéger les enfant trans), l’abolition des papiers d’identité ou celle de la prison [liste non-exhaustive]… Autant “d’éléments déclencheurs” qui dévient l’Histoire de sa trajectoire asphyxiante.


Il y a autre chose : l’insolente existe par rapport à un contexte. Elle est jugée insolente par. Son comportement ou son intelligence vient se heurter aux frontières du conformisme, de l’autorité, de la hiérarchie sociale, du plafond de verre. On suppose qu’elle a parfaitement connaissance de ces frontières, ce qui permet de la juger vicieuse ou calculatrice (donc punissable). L’insolente, comme celle qu’on traite de folle, nous parlent surtout de rapport de domination qu’on œuvre à conserver. Le mot lui-même existe du point de vue de l’ordre établi, quand on renverse le point de vue où se situe l’insolente : quelque part entre le grain de sable dans un rouage et la justicière.

Dans La Voz de la Mujer, les gravures et les photos sont en noir et blanc mais le propos n'a pas vieilli.Dans La Voz de la Mujer, les gravures et les photos sont en noir et blanc mais le propos n'a pas vieilli.

Jeune, mineur, minoré… Au fil de nos conversations mi-livresques, mi-féministes, j’ai compris que “Quelle insolente !” n’est pas destinée aux enfants, mais qu’elle rend enfant, elle infantilise. Elle sert à ça : ce n’est pas une insulte, mais un outil de rappel à l’ordre. C’est aussi un signal : celle ou celui qui s’exclame “Quelle insolente !” a senti la fondation trembler sous ses pieds et rassemble ses soutiens. En ce moment le jeune Gabriel Attal l’exprime à une échelle nationale à l’égard de la jeunesse, infantilisant du même coup les parents, plus encore les parents d’enfants racisés et le corps enseignant.

“Poser une question c’est déjà désobéir” proverbe de l’armée

En résumé traiter quelqu’un·e d’insolent·e c’est lui dire : tu n’as pas la légitimité ni le pouvoir de l’adulte majeur pour t’exprimer, encore moins de me juger ! Mais si on rabaisse quelqu’un au statut d’enfant, qu’est-ce que ça veut dire de notre considération pour les plus vulnérables ? Pour ces versions antérieures de nous-mêmes, qui sont aussi le futur de notre société ?
Sans allez jusqu’au “il est interdit d’interdire” de mai 68, mes poils de bras féministes se hérissent quand ils reconnaissent un rapport de domination. Il me rappelle le statut d’éternelle mineur qui a été celui de mes aïeules ou celui des descendants d’esclaves considérés des siècles entre l’enfant et le bien meuble (Le code noir, cadre juridique de l’esclavage article 44). La notion d’insolence nous amène à réfléchir la domination adulte (cf les épisode d’un Podcast à soi sur L’Autodéfense des enfants ou L’école de la violence).

Pour des lecteurices féministes, les insolentes sont très importantes car ce sont des personnages qui n’ont jamais souscrit à l’hypocrisie sexiste ou capitaliste ou coloniale. Elles incarnent une posture rare qui personnellement me plonge dans une certaine nostalgie : pour moi qui ai 35 ans, et qui a construit mon féminisme (de façon non linéaire) ces douze-quinze dernières années j’ai du déchirer le voile devant mes yeux avec brodé dessus “tu es folle”, “c’est toi, les autres y arrivent très bien” tardivement. Je me sens déjà abîmée par le conditionnement sexiste et je mesure à quel point il a été structurant. Pour moi, il y a eu un avant et un après. Mais ces petits perso vénères ont toujours su resté fidèles à leur conviction profonde que ce n’est pas normal, que c’est une injustice, que c’est absurde. Elles sont comme une boussole, elle font vivre un pays imaginaire, potentiel, où cette justice et cette légitimité existent. Trouver ou retourner dans ce pays, c’est beaucoup pour ça qu’on lit, non ?

“C’est bien que les femmes arrêtent d’être poliment fâchées.” Leymah Gbowee

Il n’y a pas les personnes dotées du don d’insolence et les autres. C’est une compétence qui se travaille, ça peut devenir un talent et le mieux pour ça c’est encore de faire ses armes en groupe. Un groupe de filles insolentes, de grande gueules, de celles qui raillent, pouffent, dénigrent, ne craignent plus… voilà l’autre figure de l’insolence : l’adolescente ! Un âge où on pratique la vie et les virées en groupe bien plus qu’à l’âge adulte. Mais pas impossible non plus : les prostituées argentines de Camila Sosa Vilada s’en donnent à cœur joie et mettent au jour un pouvoir fondamental de l’insolence : la dignité.
Cette partie de la discussion nous a amené à considérer nos stratégies depuis l’adolescence : sommes-nous rester fidèles à cette posture insolente ? Avons-nous appris plus tard à tenir tête ? Gagne-t-on au change à rester poli·e ? Car c’est ça la promesse implicite : la politesse, voire la soumission sera récompensée (par la protection du groupe il me semble). En vérité, il n’y a pas de carotte, seulement un bâton : reste dans le rang ou tu seras punie, mise au ban (Mauvaises filles : incorrigibles et rebelles de Véronique Blanchard). Mais à rester soumises tu perds aussi, ce qui amène Rokhaya Diallo à nous conseiller Ne reste pas à ta place.

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❤️‍🔥Demain j’envoie la bibliographie commentée des 13 livres qui nous ont fait réfléchir en avril ❤️‍🔥
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“How dare you ?” Greta Thunberg

Enfin, l’insolente prend un risque, elle a à perdre, parfois très gros (coucou Antigone). Elle dit : je sais que j’ai raison, tu sais que j’ai raison, nous savons que tu peux me détruire et que peut-être mes propos ne changeront rien à la situation mais je t’empêche de te conforter dans ton mensonge (coucou Assa Traoré). Tu devras accomplir ta destruction en pleine lumière et en détruisant une personne digne et non un anonyme et docile. À défaut de tout le reste, l’insolence dans une situation désespérée permet de conserver sa dignité.

Bonnes lectures, à très bientôt 💜
On se retrouve en mai sur le thème
”du fond de mon lit”

Un thème qui devrait mêler intimité, santé mentale, du coton et peut-être des miettes.

Le génocide Palestinien se poursuit, restons mobilisé·e·s et les yeux grands ouverts. Utilisons notre voix. La répression des insolentes qui ne serait-ce que nomment le génocide s’exerce pleinement (la juriste Rima Hassan convoqué pour apologie du terrorisme alors qu’elle rappelle le droit international).

Pour savoir comment agir voici un post de O.S.M.O.S.E, et son lien avec pleins de ressources et d’actions possibles. Ici des cagnottes sécurisées pour aider des familles de Gaza (dès que la cagnotte est remplie, elle est retirée et on passe à la prochaine famille).

Vous pouvez acheter des e-sims pour que les gazaouis s’organisent, documentent et puissent communiquer avec leur famille.