Corps médical

“Corps médical” nous a rassemblé le temps d’un unique Cercle à la merveilleuse librairie La Régulière (Paris 18e). Un thème qui part de nos cellules microscopiques et s’étend jusqu’au système de santé qu’on se choisit. Il rappelle forcément des anecdotes à chacun·e, se répercute dans nos bibliothèques entre les essais sur la santé, les personnages de médecins ou les témoignages d’hospitalisation. On a fait le grand écart entre la vulnérabilité individuelle et sa prise en charge par le collectif. L’intime serait-il politique ..?

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Dans l’une des nouvelles des Chants du placards de Luz Volckmann, le personnage se réveille raidi, endolori après une opération des vertèbres. Elle est entre les mains du corps médical mais a-t-elle la possibilité d’être plus qu’un corps à réparer ? Qui existe encore dans ce corps ? Cette personne peut-elle dire qu’elle a mal et qu’elle mérite du soin et lutter contre la tentation de ne pas déranger ? Pour une personne sociabilisée comme une femme, c’est contre-intuitif : on donne du soin plus souvent qu’on en réclame.

Pendant nos lectures, nous nous sommes aussi demandés où commençait le corps médical ? C’est un personnage de secrétaire médicale dans Le Choeur des femmes de Martin Winckler qui a éveillé cette question. Elle n’était pas doctoresse, elle n’était sans doute pas payée comme telle, mais elle prenait déjà soin. (On s’est aussi dit que la façon dont le médecin ou la doctoresse traitait lae secrétaire est souvent un bon indicateur de comment nous serions traité·e dans le cabinet.)

Corps médical oui mais le corps de qui ?

Le thème corps médical recroise les problématiques de genre car, quel meilleur illustration de l’hypocrisie sexiste que ces deux affirmations parallèles ?
1. Affirmer que “Quand mêmeuh, nos corps sont différents, c’est la natureuh. La situation est normale [le patriarcat], mais on est complémentaireuh”
2. Et tester la majorité des médicaments et leurs effets secondaires sur les hommes seulement.
(Cf. Femmes invisibles · Carolina C. Perez dans la newsletter de juin 2024 + le docu La santé des femmes).
Ou plus récemment, le livre Pilule rose de Juliette Ferry-Danini (à feuilleter ici), révélait que le spasfon n’avait jamais été testé sur les douleurs pour lesquelles on le prescrivait… 🙃 Ça va, on vous dérangent pas trop ?

Le thème pointe aussi nos biais racistes à travers le syndrome méditerranéen. Ce syndrome présuppose que les personnes africaines et nord-africaine exagèrent leur douleur. Il a été enseigné comme tel des années en France et commence seulement à être remis en question. Ce mois-ci a eu lieu le procès de l’opératrice du Samu qui en 2017 raillait Naomi Musenga au téléphone, une jeune femme noire de 22 ans décédée quelques heures plus tard à l’hôpital (les transcriptions de la conversation sont horribles de cynisme). Et on retrouve ce présupposé dans l’origine de la gynécologie moderne puisque l’invention du spéculum vaginal ou de techniques pour soigner les complications d’accouchements par James Marion Sims, ont été testé aux USA sur des femmes noires, esclaves, sans anesthésie et sans consentement. Aujourd’hui, d’une communauté à l’autre, le rapport au corps médical diffère car la mémoire de ces mauvais traitements demeure. Ça a été observé aux États-Unis au début de l’épidémie de Covid (toujours en cours).

Bon à savoir :
Les dépistage de l'hépatite B, la syphilis, l'infection à chlamydia et la gonorrhée sera 100% remboursé pour les moins de 26 ans à partir du 1er septembre. En plus du VIH déjà gratuit.

Un super lieu pour le faire c’est les Ceggid
Les Ceggid sont accessibles à tous âges, gratuits
et héritiers de la lutte contre le sida = garanti sans jugement

Corps médical c’était aussi une référence aux spécialistes, aux sachants, aux érudits, jadis considérés comme des demi-dieux aux côtés du maire et du professeur du village. Dans Les Enfants de la violence de Doris Lessing, c’est le mari inquiet qui appelle le gentil docteur pour que sa jeune épouse, nouvellement mère, revienne dans le droit chemin. Martha Quest est loin d’être dupe : ce n’est pas quinze jours de vacances et un flacon de tranquillisant qui lui permettront d’aller bien. D’ailleurs sa prise de conscience la fera changer de continent, de vie et nous embarquera dans trois tomes d’un de mes romans préférés 💜.
On a partagé le fait que les micro-aggressions, voire les violences médicales ou gynécologiques, pouvaient nous éloigner du corps médical au risque de négliger notre santé. Combiné aux déserts médicaux qui s’étendent à cause à la casse du service public, on obtient un boulevard pour le new age et des pratiques dites “douces” ou “alternatives” parfois dangereuses, dont les femmes sont la principale cible marketing (cf. Comment le New Age cible les femmes · Méta de Choc dans la playlist des Cercles).

Comment aller bien dans un monde qui va mal ?

L’autrice et professeur de yoga Camille Teste répond à cette question dans son livre Politiser le bien-être et la réponse est bien souvent… collective. Seulement cette réponse est à contre-courant des solutions individuelles, commercialisables et consommables rapidement. Des solutions qui s’occupent souvent ou du corps, ou de l’esprit, qui s’approprient selon les tendances des pratiques culturelles sans discernement ou importent du Sud du quartz rose de mines exploitées par des enfants (👀 allez à la minute 8’) pour ouvrir le chakra des cœurs du Nord 🙄. Quelques épisodes de son podcast Encore Heureux ont rejoint la playlist 👇

Enfin, La Nuit remue a illustré et résumé cette dimension collective du soin.

Pendant le Cercle, on a partagé la difficulté de passer outre le sentiment d’illégitimité, l’envie de ne pas froisser, le brouillard de cerveau face au stress de la consultation… et nos meilleurs fails de consultations 😅
Sache que tu peux trouver La méthode B.R.A.I.N ...et autre outils pour survivre à une consultation médicale” (à 2€). Ou encore Avorter chez soi (à 10€) sur la Boutique en ligne et en pdf.
PS : La doula queer te propose des accompagnements ivg à prix libre (en présentiel ou en distanciel).
Et si tu as besoin d’être logé·e à Paris ou en banlieue pour le faire, fais moi signe 👋

Féministe n’est pas fataliste

Il n’y a pas de fatalité. On peut apprendre à piloter un examen médical en préparant ses questions, on peut s’entrainer à l’auto-défense verbale, on peut choisir son médecin sur des listes de recommandations ou s’organiser pour en créer (cf. l’encadré ci-dessous). On peut se tourner vers de la pair-aidance*. Dans le domaine de la santé mentale, il existe Nightline des numéros pour les étudiants, ou La Maison Perchée, (à Paris et en ligne) pour les jeunes adultes vivants avec un trouble bipolaire, schizophrène ou borderline.

*Définition de la pair-aidance : accompagnement, soutien et aide apportés par une personne ayant une expérience de vie et de rétablissement avec une maladie, des troubles ou un handicap à une autre personne vivant une expérience similaire.

Le blog coopératif Gynanco.wordpress.com
peut t’aider à trouver un·e soignant·e recommandé·e par d’autres patient·e·s, ou à éviter des mauvaises expériences. N’hésite pas à consulter la carte, à la diffuser et à l’enrichir à ton tour.

En Touraine, le compte insta @actions_féministes_tours
propose des recommandations de thérapeutes en story permanentes alimentées par les abonné·e·s 💞

Et apparemment, passer par les kiné pour trouver de bons médecins c’est un super plan.

On peut s’inspirer de la démarche de patients-experts et former des communauté de patients. Au sujet de l’endométriose par exemple, je vous conseille, le livre de Bertille Flory Endométriose - Prendre le dessus sur la maladie ! Et une lectrice concernée vous recommande l’IFEEN (institut de la femme et de l’endométriose). C’est à Paris, c’est relou, mais si tu as besoin d’être logée on pourra passer une petite annonce en story ok 😉

Dans le domaine de la gynécologie, on peut demander à réaliser des auto-prélèvements à domicile ou pendant la consultation (avec les grands coton-tiges là), à insérer soi-même le spéculum, on peut participer à des ateliers d’auto-observation pour mieux se connaitre (ça peut commencer par un miroir, une lampe torche, une bonne playlist et un petit manuel). Le collectif Les flux n’est plus actif mais leur site internet regroupe pas mal de ressources. La Doula queer peut aussi mener ce genre d’atelier pour des petits groupes (idée d’EVJF farfelu 😆). On peut aussi privilégier les sage-femme aux gynécologues, car elles peuvent réaliser bons nombres d’examens médicaux.

👀 On peut enfin, soutenir les grèves des soignants quand elles ont lieu, et voter intelligemment.

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Je termine la newsletter avec une référence subtiiiile 👀 au mois exténuant que nous venons de traverser. Il y a fort à parier que je consacrerais un numéro spécial de la newsletter à des leviers d’actions et des ressources pour lutter contre la menace raciste du FN. Nous avons gagner du répit pour s’organiser et lutter. Et les féministes ont leur part à prendre dans ce combat. Bisou 😘

Bonnes lectures,
à bientôt pour les résultats des votes
Marine