Cercles de Lectures féministes

Chaque mois retrouve des pistes de réflexion sur une thématique féministes arpentée collectivement lors des Cercles. Et une bibliographie commentée et réjouissante pour lire sur le sujet !

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Par Marine B.
25 avr. · 4 mn à lire
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Petits deuils, grosses ruptures (et baume au cœur)

L’expérience du deuil ou de la rupture est extrêmement intime et à la fois commune à toustes. L'une des magies du collectif c'est d'aborder ces thèmes avec plus de distance, parfois d'en rire, peut-être de digérer. Quant aux livres, ils ont sublimés nos expériences 💓 Bref, mars nous aura réservé joie et intensité ! Bonne découverte !

🥁 Nos prochains thèmes seront 🥁

Mars : Quelle insolente !

Avril : Du fond de mon lit

Mai : Invisibles

Le deuil comme la rupture sont des voyages au pays de la tristesse, dans des contrées où l’on souhaite rester le moins longtemps possibles (quand on ne les rejette pas en bloc). Des voyages dont quelques un·es tirent des chef d’œuvre littéraires, certaines fois une transformation profonde, d’autres, surtout du mucus.

“_Tu pleures ?
_Non papa je transpire des yeux”
(Laurene Marx)


En parlant toustes ensemble, j’ai réalisé que les humains pouvaient avoir peur (ce qui est déjà une émotion) de leur propre émotion de tristesse (🤷). Et en parlant toustes ensemble, il semblait que l’enjeu c’était quand même de se laisser traverser un bon coup par la tristesse. Avec lâcher prise et confiance dans notre future capacité à nous relever.
Mais encore faut-il qu’on nous en laisse le temps !
Dans un épisode de Sex & the City (qui êtes vous pour me juger ?), Charlotte déclare qu’une rupture prend la moitié du temps de la relation pour aboutir 🙄 C’est rassurant les mathématiques. Comme Charlotte des membres de l’entourage peuvent ne pas comprendre que la peine s’éternise ou que la peine concerne un être pas assez important ou une période si lointaine. Spoiler : c’est souvent qu’ils troquent l’impuissance contre de l’agacement pour avoir l’impression de faire quelque chose. Parfois ne rien faire et être là c’est déjà quelque chose.

En vrac parmi les remèdes à cette non-maladie on a partagé le parfum de glace chocolate fudge & brownie, des chansons méga tristes, le travail, le sport, le temps (Marguerite Duras dans Le Ravissement de Lol V. Stein a dit “sa colère vieillit” dans un de nos extraits, comme quoi même celle-là on peut l’avoir à l’usure), la présence des ami·e·s, changer un truc dans son look, commencer une activité nouvelle qui inaugure ce chapitre neuf, partir seul·e en voyage faire du vélo en Camargue (c’est précis).

nature morte à la coquillenature morte à la coquille

Deuil et rupture sont des grands moments de perte de contrôle et même quand on est à l’origine de la rupture. Ce sont des moments sans rationalité (notre tête sait que ça valait mieux mais notre cœur n’en est pas là) et sans repère temporel : on est bloqué dans une journée sans fin, le passé nous revient à la figure en mode aléatoire et toutes les versions possibles de nos futurs défilent. Ce sont des moments où on n’est bon·ne à rien. Ce qui fait des ruptures et des deuils des épisodes super anticapitalistes en fait ! Cette pensée est un peu consolante non ?

En bonnes féministes on s’est décentré de l’amour romantique (bon pas moi, 100% de mes lectures y étaient consacrées🤭). Car les ruptures concernent aussi les amitiés, les membres de la familles, une version de soi, un animal de compagnie, le pays d’origine, les micro-âges successifs d’un enfant (iel n’aura plus jamais 2 mois), la vie d’avant ou une habitude d’être. Claire Marin (dont l’ouvrage est revenu pas moins de 4 fois ce mois-ci) dit même que la naissance c’est notre première rupture. En fait, notre vie et notre identité n’est faite que de ces mini et ces grands deuils, aucune version “originelle” de nous n’existerait. Donc il n’y aurait rien à récupérer une fois célibataire, mais plutôt incorporer cette nouvelle version de soi.
Ce mois-ci, on a aussi examiné la façon dont notre socialisation féminine joue : lorsqu’on est destiné à entretenir les liens et à maintenir l’harmonie… l’exercice de rompre peut être compliqué.

On aimerait que la rupture soit une coupure franche. Bien droite et nette, d’un seul coup, comme le sabre qui décapite. Mais la rupture est déchirure. À la différence de la séparation qui laisserait chacun redevenir la part entière qu’il était déjà auparavant, comme le rappelle l’étymologie, la rupture est une déchirure. Elle ne retrouve que rarement les contours nets de chacun. On ne rompt pas comme on découpe le long des pointillés, respectant soigneusement le patron qui reprend notre forme exacte. On déchire dans le tissus d’une vie commune où les identités des uns et des autres se sont étroitement mêlées que plus personne ne sait vraiment où il commence et où l’autre s’arrête. Mais celui qui veut rompre croit le savoir. Il croit pouvoir dessiner l’ombre où il perçoit sa silhouette propre et veut se débarrasser de ce flou indécis, des présences qui l’encombrent, des liens qui l’empêchent d’être vraiment lui-même.

extrait de Rupture(s) de Claire Marin

Par contre ! tw transphobie

Par contre quand un enfant ou un proche transgenre éclot, ce n’est pas un deuil. Personne ne meurt. Qui vient déclarer à une chenille en train de devenir son papillon que c’est un peu comme si elle était morte ? Personne ! Bon bah c’est pareil. Quelques une de nos lectures nous ont permis d’aborder ce sujet et cette rhétorique du deuil qui accompagne parfois les coming-out trans. Je transmets le message : stop. Au fil de la conversation s’est formulée l’idée que l’identité de genre ou sexuelle deviennent parfois motif de ruptures. Quelques semaines plus tard je me dis : serait plus juste de dire que ce sont l’homophobie et l’hétéronormativité qui sont à l’origine de ces ruptures, pas l’existence de certain·e·s. Personne n’est une rupture. Personne n’est une rupture.


PS : je viens d’écouter 2 épisodes du podcast Transmance sur les “papa et maman d’un mec trans” c’est ultra chou ! L’accent suisse y est pour beaucoup. Et Il y est question de ce mot de “deuil” notamment.

Je l’ai intégré à notre playlist collaborative. Abonne-toi

Les textos, les vocaux oui…mais les lettres !

Alors là on a un peu touché à la magie. Celle qui relie le cerveau au cœur, travaille sur nos inconscients et offre à nos âmes de lecteurices parfois des pépites, parfois seulement des souvenirs dans une boite à chaussures qu’on ouvre aux déménagements : les lettres !
Elles créent un canal de communication à part. Elles demandent un rythme à part pour s’écrire. Mais combien sont finalement envoyées ? Pour autant, une lettre qu’on écrit agit quelque part en nous. Elle peut combler un scénario achevé brutalement, unilatéralement comme un ghosting. Parfois les rêves prennent le relai et comblent notre besoin de justice ou d’explications.


*Point définition : un trigger ça se traduit par “interrupteur” autrement dit, un élément déclencheur qui peut nous replonger dans un état anxieux par exemple. On voit des “TW” qui signifient Trigger Warning (attention déclencheur) avant des publications qui peuvent être compliquées pour des personnes.

Ruptures Claire Marin au Bonjour madameRuptures Claire Marin au Bonjour madame

Et pour finir sur un fun fact : si on vit un deuil ou une rupture, c’est qu’on est bien vivant. Même au sens le plus noble du mot : vivant comme dans la phrase qui a osé s’attacher, aimer, être transformé, avoir réalisé une mue de serpent sur le chemin en terre battue d’la vie. Alors oui ça peut paraitre niais (à nos ptits cœurs élevés dans une culture qui célèbre la mort si l’on en croit bell hooks dans Tout sur l’amour), mais en fait c’est beau.

Je termine en vous remerciant de m’avoir remémoré une lettre de l’été du CM2 vers 1999 dans laquelle Julien B. m’annonçait qu’il me quittait “parce qu’en plus son chien était mort”. Visiblement j’étais de trop dans cette histoire d’amour-là.

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(sans aucune transition avec le chien mort t’as vu)

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Marguerite Duras à La RégulièreMarguerite Duras à La Régulière

Agenda d’avril

sur le thème : Quelle insolente !

LES VISIO
Mardi 9 avril · 20h
Dimanche 14 avril · 19h

EN PRÉSENTIEL

AVRIL
Jeudi 4 avril · Flora Lit 19h
Dimanche 7 avril · Un Livre et une tasse de thé 14h
Dimanche 14 avril · Librairie Majo 14h30

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Bonnes lectures !
On se retrouve le mois prochain autour du thème Quelle insolente !(
Marine